Bruno Buarque est un producteur et compositeur de Sao Paolo. Du dub au hip-hop en passant par l’electro, sur scène ou en studio, il utilise son Joué dans presque tous les aspects de ses activités musicales, et cherche à explorer ses possibilités plus avant. Ce faisant, il contribue à faire connaître l’instrument au sein de la scène brésilienne.
Son principal projet ces jours-ci est d’accompagner sur scène Criolo, un rappeur et chanteur très populaire au Brésil et au-delà, mais Bruno Buarque a de nombreuses autres cordes à son arc. En plus de son projet dub/reggae de longue date, il collabore avec de nombreux producteurs et musiciens aussi bien en studio que sur scène et son home studio, dans lequel son Joué a pleinement trouvé sa place, est un lieu de passage pour toute la communauté musicale de Sao Paolo.
Peux-tu nous raconter comment tu as commencé à utiliser le Joué ?
J’en ai entendu parler pour la première fois via internet, parce que je garde toujours un œil sur l’actualité technologique musicale. Je me souviens que l’objet m’a tout de suite interpelé, mais sur le moment je n’ai pas poussé plus loin. Et puis un jour, j’étais en tournée avec Criolo, et lors de notre concert à Bordeaux, au Climax Festival, je suis tombé sur l’équipe de Joué en coulisses. On a commencé à discuter, j’ai essayé l’instrument, et j’ai tout de suite accroché.
« J’ai le Joué dans mon studio, toujours branché, prêt à rapidement tester des idées quand un compositeur passe. »
Donc tu en as rapporté un chez toi et as tout de suite commencé à travailler avec ?
C’est à peu près ça, oui. J’ai un studio ici à Sao Paolo. J’utilise mon Joué surtout pour de la production, soit avec Logic Pro, soit avec ma boîte à rythmes MPC. J’ai tout de suite vu qu’il marchait super bien avec la MPC, un appareil que j’utilise énormément. Je suis plutôt porté sur le hardware, je ne suis pas fan d’utiliser un ordinateur sur scène, et j’utilise ma MPC comme un instrument à part entière. Du coup, j’ai commencé à programmer des trucs en MIDI sur la MPC avec mon Joué, et ça a super bien marché ; des choses comme des track mutes, des envois auxiliaires… Ce sont ces possibilités-là offertes par le Joué que j’ai commencé à explorer pour le moment. Je l’ai dans mon studio, toujours branché, prêt à rapidement tester des idées quand un compositeur passe.
Quelle est la chose que tu préfères à propos de ton Joué ?
Ce que j’aime le plus, c’est sa modularité. Il est tellement pratique et fonctionnel, réactif, rapide et super léger, du coup on peut l’emporter partout avec soi, mais il est aussi super puissant. On pourrait penser que c’est une espèce de jouet sophistiqué, mais pas du tout. Il dépote et il a une latence extrêmement basse… Pour moi, ça a tout de suite fonctionné, en somme. En plus, ma mère était journaliste dans le design, j’ai donc toujours été très sensible à l’alliance de la forme et de la fonction, or le Joué est magnifique de ce point de vue.
Et tu as tout de suite compris que tu pouvais l’utiliser non seulement comme un instrument de studio, mais aussi en live ?
Oui, exactement. Ce jour-là quand j’ai rencontré l’équipe de Joué en coulisses, ils ont fait une démo sur un ordinateur, et j’ai dit « je me demande s’il marcherait aussi sur ma MPC », alors je suis allé sur la scène où tout était déjà en place pour notre concert, j’ai dit au régisseur que j’allais débrancher ma MPC. Il m’a dit que je ne pouvais pas car tout était branché et que c’était très délicat, mais je l’ai fait quand même. J’ai donc amené ma MPC en coulisse, j’ai branché le Joué dessus et ça a marché instantanément. Du coup, on a tout de suite pu voir que c’était super facile de combiner les deux machines. Je ne crois pas que les gars de Joué se doutaient que ça marcherait aussi bien. On a commencé à faire un bœuf avec un musicien du groupe, je faisais des boucles avec ses lignes de basse, des trucs comme ça, et les gens ont commencé à venir voir ce qui se passait. C’était génial.
« Avec le Joué, j’ai les mêmes possibilités qu’avec six ou sept autres machines. Il est super performant. »
Tu dirais que tu gagnes quoi en utilisant le Joué ?
La versatilité, clairement. La MPC n’a que ses 16 pads. Si je veux programmer une partie de clavier, je dois y brancher un clavier. Si je veux faire un track muting, je dois brancher un contrôleur. Mais avec le Joué, avec une seule machine, je peux tout faire. Et encore, je commence seulement à me familiariser avec, car les possibilités sont immenses. Je suis encore en train d’essayer de comprendre comment fonctionnent les applications MIDI en multipistes, par exemple. Et puis, historiquement je suis batteur et percussionniste, donc toute ma vie j’ai dû me coltiner des instruments lourds et encombrants. Je suis progressivement en train d’apprendre à réduire mon volume de matos tout en gardant le gros son et toutes les possibilités que j’ai en tête. C’est là que le Joué entre en jeu parfaitement, car il est petit, léger et portable. Avec lui, j’ai les mêmes possibilités qu’avec six ou sept autres machines. Il est super performant. Je peux le glisser dans mon sac et avoir un dispositif capable de tout faire en permanence sur moi.
Du coup, l’intégration du Joué dans ta pratique musicale s’est faite très rapidement ?
Oui, ça a été facile parce que je me suis tout de suite mis à faire avec le Joué ce que je faisais auparavant, par exemple quand j’utilisais un clavier MIDI. Le Joué a parfaitement trouvé sa place au sein de mon setup et de mes habitudes musicales. Ceci dit, je pense que je peux aller bien plus loin. Je vais profiter de quelques congés pour prendre un peu de temps et faire un petit voyage en embarquant mon Joué pour explorer ses possibilités plus à fond, par exemple l’aftertouch, le MIDI en multipistes, etc. C’est drôle parce que tous les gens qui viennent dans mon studio sont épatés par le Joué. Pas seulement parce qu’il est super réactif quand on s’en sert, mais aussi tout simplement parce que son look est très attrayant. J’ai pas mal de matériel dans mon studio, mais les gens repèrent toujours le Joué et demandent « c’est quoi ça ? » parce qu’ils n’ont jamais vu un truc pareil. Je me réjouis d’organiser un workshop ou quelque chose comme ça pour le présenter à la communauté musicale brésilienne, parce qu’il suscite beaucoup d’intérêt ici et qu’il y a beaucoup de producteurs talentueux qui sont toujours à la recherche de nouveau matériel.
Interview par Patrick Haour